Bonjour,
Voici quelques lectures que j’ai envie de partager.
Je commence par un extrait de « se réjouir de la fin » Adrien Gygax, Grasset
Recueil de courts textes découvert dans les affaires d’un résident de maison de retraite après son décès, dont voici un chapitre.
Je me suis parfois perdu en route, et c’est normal, La vie nous éparpille, nous divise, si bien qu’on laisse toujours un peu de soi en arrière. On se brise forcément, dans un conflit, une jalousie, une détestation, on s’égare dans ces champs de bataille qu’on refuse d’abandonner.
Alors on avance, clopin-clopant, incomplet, vacillant, animal blessé. C’est qu’on est en guerre ! Avec tous ceux-ci ! Et ceux-là ! On n’a pas que des amis dans la vie ! Il y a ceux qu’on a blessé et ceux qui se vengent. Ça fait beaucoup de monde, beaucoup de guerres à mener, de gens à détester, de choses à pardonner.
Alors on se multiplie, pendant qu’on avance une part de soi recule, pendant qu’on aime on hait.
Je vois tous ces éclats de moi qui traînent, ici et là, dans mon passé, trop blessés ou trop blessants pour trouver la paix. Ils suivent ma trajectoire comme des perles sur un collier. Oh, il n’y en a pas tant que ça, je ne peux pas me plaindre, je n’ai pas mené tant de guerres, j’ai toujours été de nature facile. Aujourd’hui je les rappelle, comme des soldats. J’aperçois leurs silhouettes, au front, dans les brumes du passé, en guerre avec un mensonge, une trahison ou une tromperie. Ils sont fatigués, comme moi. Je viens les chercher, les prends par la main. Ils ont vingt ans, trente ans, je les reconnais à peine. « Allez, viens, laisse tomber » que je leur dis, en les serrant contre moi. Ils me regardent avec un air étrange et baissent leurs armes, comme s’ils avaient compris.
La guerre n’a plus de sens car je suis vieux et sans avenir. Or, elle ne se nourrit que du futur la guerre. Un futur dans lequel le passé est sans cesse réécrit. On espère se faire pardonner demain nos erreurs d’hier. Mais quand le futur vient à manquer, quand le passé a tout mangé, il n’existe plus aucune raison de guerroyer, plus aucune raison de garder des soldats au front.
Je n’ai plus qu’un présent à l’horizon, qui se réduit doucement en un mince rayon lumineux, trop mince pour contenir un seul mauvais souvenir, un seul ressentiment. Tout mon être se recompose, délicatement. Comme un vitrail, je recolle ces parts de moi en fresque colorée ; la lumière est orange, c’est la fin de l’après-midi. J’ai un sentiment de complétude infinie, suis fort de toutes les forces retrouvées, de tous les soldats enfin rentrés, de tous les pardons accordés. J’ai la force tranquille de celui qui est prêt à partir, à partir en paix.
Un autre livre que j’ai beaucoup aimé est « La patience des traces » Jeanne Benameur, Babel
Il y a une similitude avec le livre précédent, L’histoire d’un homme qui part quelques semaines au Japon, en retraite, à sa retraite et revisite sa vie avec humanité et douceur. Cette lecture m’a enchantée et transportée. L’écriture de Jeanne Benameur m’a fait ressentir les odeurs, les sensations et les émotions d’une manière inégalée.
Et le dernier, 3 bis rue Riquet » Frédérique Le Reomencer J’ai lu
Les habitants d’un immeuble, vivant chacun pour soi, anonymes, vont se retrouver bien malgré eux à se côtoyer et s’entraider autour de Madeleine, vieille femme prostituée lorsque celle-ci commence à perdre la boule. Un joli roman léger et drôle d’amitié et de solidarité.
Nathalie